Comment concilier les barrages avec la Trame Bleue ?
- La Trame Verte et Bleue (TVB) :
Pour répondre à la directive européenne cadre sur l’eau (DCE) du 23 octobre 2000 qui fixait comme objectifs aux Etats membres d’atteindre le bon état des cours d’eau d’ici 2015, la France, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, créa le Comité opérationnel « Trame verte et bleue » (COMOP). Celui-ci fût chargé en décembre 2007 de définir les voies, moyens et conditions de mise en œuvre de la Trame verte et bleue afin de converger vers la nécessité d’assurer la continuité biologique entre les grands ensembles naturels et dans les milieux aquatiques.
Le bon état écologique est fondé sur l’évaluation de l’état chimique et écologique des cours d’eau. L’état écologique prend d’ailleurs en compte les paramètres physico-chimiques et biologiques du cours d’eau, dont la diversité et l’abondance d’espèces animales, d’invertébrés, de poissons ainsi que la flore présente dans les rivières Françaises.
Cela implique concrètement à mener, dans le cas de la Trame bleue, des actions en faveurs de la restauration de la continuité écologique des cours d’eau. La continuité écologique est définie comme la libre circulation des organismes vivants et leur accès aux zones indispensables à leur reproduction, leur croissance, leur alimentation ou leur abri ainsi que le bon déroulement du transport naturel des sédiments et le bon fonctionnement des réservoirs biologiques.
La Trame verte et bleue entend donc contribuer à l’amélioration de l’état de conservation des habitats naturels et des espèces et au bon état écologique des masses d’eau. Elle s’applique à l’ensemble du territoire national à l’exception du milieu marin et définit un réseau formé de continuités écologiques terrestres et aquatiques reliant des réservoirs de biodiversité qu’il faut entretenir, rétablir ou protéger. Un exemple est montré dans le schéma ci-contre.
La mission du COMOP, qui a pris fin en septembre 2010, a permis de poser les bases législatives de la TVB et de produire des documents constituant le socle des orientations nationales pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques, dont les échelles d’applications sont visibles ci-contre.
- Trame Bleue et barrages :
La DCE fixait un objectif d’atteinte du bon état écologique des cours d’eau d’ici 2015. L’objectif était ambitieux car dès 2004, un état des lieux avertissait sur le fait qu’environ 50% des masses d’eau superficielles présentaient un risque de non atteinte de bon état des eaux.
Pour cause, la dégradation des conditions géomorphologiques des cours d’eau, souvent due à la fragmentation des cours d’eau par des obstacles altérant la qualité des habitats des différentes espèces aquatiques.
En effet, de la qualité ainsi que de la diversité des habitats dépendent la diversité et l’abondance de la faune et flore. 3 paramètres en interaction permanente régissent les caractéristiques des habitats des cours d’eau et donc leurs qualités :
- L’hydrologie : le type d’écoulement, les variations de débit ainsi que la quantité d’eau ;
- Les conditions physico-chimiques de l’eau : température, luminosité, teneur en oxygène, acidité, teneur en polluants, salinité et conductivité ;
- Les conditions morphologiques : profil des lits mineurs et majeurs, structure des berges, typologie d’eaux (calme, profonde, eaux-vives).
On voit donc en quoi la présence de barrages et plus généralement d’ouvrages peuvent mettre en péril la qualité des habitats. En effet, les eaux courantes se transforment alors en une suite de retenues d’eau stagnante et modifie considérablement la géomorphologie des cours d’eau. D’autre part, l’obstacle entraine l’immobilisation des sédiments à l’amont de celui-ci, créant un déficit à l’aval pouvant modifier la morphologie du lit. Enfin, certaines espèces perdent la mobilité d’accès à leurs habitats ou leurs déplacements se retrouvent limités car les ouvrages créés sont plus ou moins infranchissables.
C’est pourquoi fut mise en vigueur, le 18 janvier 2013, une circulaire relative à l’application des classements de cours d’eau afin de définir des éléments d’interprétation et de méthodologie afin que les différents services en lien avec l’eau définissent des stratégies de préservation et de restauration de la continuité écologique.
Les cours d’eau furent donc classés en 2 listes :
- Liste 1 (Préserver) : Interdiction de construction de nouvel ouvrage faisant obstacle à la continuité écologique.
- Liste 2 (Restaurer) : Obligation de mise en conformité des ouvrages au plus tard 5 ans après publication de la liste
- Solutions pour les ouvrages afin de répondre aux directives de la TVB :
Ainsi pour répondre aux exigences relatives à la liste 1 et 2 de la TVB, le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire proposa des solutions pour agir.
Effacer les ouvrages : solution à préconiser pour tout ouvrage à l’abandon, sans usage ou sans intérêt (économique, paysager, patrimonial). Elle présente de nombreux avantages en termes de rétablissement complet de la continuité écologique mais aussi de par sa simplicité de gestion par la suite.
Abaisser les ouvrages : solution alternative dans le cas où l’ouvrage conserve un certain intérêt.
Ouvrir les vannes : solution lorsque l’ouvrage présente un fort intérêt. L’ouverture peut être temporaire, périodique ou permanente en fonction des objectifs à atteindre.
Installer des dispositifs de franchissement : solution envisageable afin de préserver la migration piscicole mais généralement chère et sélective sur les espèces bénéficiaires.
Ne pas intervenir : difficilement envisageable pour des barrages. Cependant pour certains seuils pouvant s’effondrer naturellement, cette solution peut être mise en place à condition d’être sûr de l’absence de conséquences indésirables ou de palier à celles-ci avec des mesures d’accompagnement.
Dans tous les cas il faudra privilégier une gestion d’ensemble des enjeux liés au projet et de leurs éventuelles conséquences sur l’environnement car chacune de ces solutions possèdes des avantages mais aussi des effets secondaires indésirables. C’est donc le rôle du bureau d’études de hiérarchiser ces solutions tout en mettant en parallèle leurs influences sur l’environnement du projet et de mener une étude globale à une échelle suffisamment importante afin de prendre en compte les éléments susceptibles d’avoir un impact sur les résultats souhaités.
Sources :
Jean-Louis B., (2010). Les barrages en France du XVIIIème à la fin du XXème siècle. Histoire, évolution technique et transmission du savoir. Comité français des barrages et réservoirs [PDF] Disponible à : https://www.barrages-cfbr.eu/IMG/pdf/barrages-jlb.pdf
Pierre M., (2010). Pourquoi rétablir la continuité écologique des cours d’eau ? Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer ; Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques [PDF] Disponible à : http://www.driee.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/brochure-continuite_cle058b11-1-2.pdf
Comité français des barrages et réservoirs. Statistiques nationales. [En ligne] Disponible à : https://www.barrages-cfbr.eu/-Statistiques-nationales-.html [Consulté le 24/02/2020]
Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire. Trame Verte et Bleue. Centre de ressources pour la mise en œuvre de la trame verte et bleue. [En ligne] Disponible à : http://www.trameverteetbleue.fr/presentation-tvb/echelles-action [Consulté le 24/02/2020]
AIDA, (mars 2013). Circulaire du 18/01/13 relative à l’application des classements de cours d’eau en vue de leur préservation ou de la restauration de la continuité écologique – article L. 214-17 du code de l’environnement – liste 1 et liste 2. Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire [En ligne] Disponible à : https://aida.ineris.fr/consultation_document/23727 [Consulté le 25/02/2020]